"le roi de clipperton" et la presse

paru en février 2002

SA VIE, SON OEUVRE
TU VEUX MA PHOTO !
INTERDIT AUX SOURDS !
INTERDIT AUX AVEUGLES !
LES AFFICHES DE TOUS LES SPECTACLES
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 Le Nouvel Observateur "Paris-Ile-de-France" du 6 au 12 juin 2002

 

La Ford roule à toute blinde. Villejuif défile : école Karl-Marx, boulevard Maxime-Gorki, avenue de Stalingrad; barres déglinguées, gazons à l’abandon, chantiers désertés... Moins vite, chauffeur, cette ville a le cœur fragile, c’est la doyenne de la banlieue rouge, communiste depuis 1925. Lime ralentit.

Au volant , il fredonne la bande-son lancinante de «Paris, Texas», le film-culte de Wim Wenders sur les trop-pleins urbains. «Doïïïïïïïng, doïïïïïïïïïng.» C’est Lime Wenders sur la route nationale7. Il lève la tête. Il observe. Des casses d’autos décorent le bas-côté sur plusieurs kilomètres, des véhicules désossés remplissent le paysage à perte de vue. Il semble désolé, Lime, devant cet «égout à bagnoles». «Nationale7, route des vacances, fait la chanson de Trenet. L’amour joyeux est là qui fait risette / On est heureux nationale 7.»

Belle Epine , le centre commercial. Son parking surplombe la ville. Du haut de la rambarde, le panorama crève le regard: une armée de pylônes électriques, un Bricorama, trois échangeurs autoroutiers. « On n’est pas bien là?, demande Lime. On est sur le toit du monde, mon vieux. Regarde, écoute...» Ciel strié par les lignes à haute tension, beau temps, et jingle du parking. Ça fait: «Bienvenue à Belle Epine, nos commerçants sont ouverts de...» Lime respire un grand coup, bucolique comme une pub pour camembert, et lâche: «Ah vraiment, c’est dommage qu’il ne pleuve pas...»

Lime n’aime pas Villejuif, ce n’est pas un secret. Il a acheté ce pavillon rose dans cette allée résidentielle, faute de mieux. Les premiers temps, il a photographié les alentours: l’hôpital Paul-Brousse, spécialisé dans les malades du cancer, le cimetière Parisien de Thiais, 3600 tombes. «J’ai vite arrêté, dit-il, c’était trop cafardeux. Pour esthétiser l’insignifiance de la banlieue sud, il faut être Wenders, au moins.»

Quand il vivait à Paris , Lime n’écrivait pas. Il jouait, comique appointé du «Théâtre de Bouvard». C’étaient les années 1980, Antenne2, 10millions de téléspectateurs quotidiens, 70000 francs par mois, l’Alfa Romeo «payée cash», l’appart à Montmartre, les partouzes dans la vallée de Chevreuse. Et les flics qui le saluaient, «Monsieur Lime», quand il remontait les grandes avenues parisiennes en sens interdit: «On vous escorte?»

En banlieue, Lime s’est découvert écrivain. Il signe de beaux romans, des romans d’aventures. Qui le promènent dans le Pacifique, à cent coudées de son potager. Villejuif ne l’inspire pas. «Ici, dit-il, l’œil ne s’accroche à rien, il glisse. Fermer les yeux devient plus facile, écrire aussi. Le seul obstacle au regard, c’est la télévision. A chaque fois qu’un Villejuifois allume son poste, c’est une œuvre qui part en fumée.» Villejuif brûle.      

             Olivier Bouchara

 

Elle - 4 mars 2002

RAYON "AVENTURE QUAND TU NOUS TIENS !"

Jean-Hugues Lime avoue ! Tu as mentalement couché avec Tournier, Golking et Klaus Kinski pour accoucher de cette fresque insulaire pleine de bruit et de fureur ! Il y a un peu d'eux, en effet, dans ce "Roi de Clipperton", un anti-robinson-Crusoé trash et gore, où des militaires colonisent une île vierge avec armes et épouses, avant d'y perdre, abandonnés par leur commanditaire, toute notion du bien et du mal. 

 

 

Figaro Magazine - mars 2002...

 

Le roi de Clipperton de JH LIME. Il fallait bien qu'un jour un romancier se penchât sur Clipperton, un nom pour mots croisés, aujourd'hui, plus petite possession française, îlot perdu au large du Mexique, peuplé seulement d'oiseaux et de crabes, connu des scientifiques et de nos marins de la Royale. Fait historique : en 1905, dépêché par Mexico, le capitaine Ramon Arnaud y débarque à la tête d'une mince escouade de soldats accompagnés de leurs femmes et de quelques enfants, avec pour mission d'empêcher que des puissances étrangères ne fasse main-basse sur la seule richesse de cette terre maudite :  le guano, engrais miracle. Une île de fiente ! Pas au trésor. Arnaud aurait du se méfier. Douze ans plus tard, un bâtiment de la marine américaine récupérera une poignée de zombies, uniquement des femmes et des enfants dépenaillés, effrayés abandonnés par le Mexique en proie aux révolutions et revenus contre leur gré à l'état sauvage. ce sont ces douze années de décomposition humaine de Désert des Tartres à la sauce Pacifique où il ne se passe rien que le cri des sternes ou la mastication des crabes, le ballet des pluies tropicales, les ronds menaçants des ailerons de requins, geôliers de cette île -prison, une symphonie du délétère que nous décrit magistralement Jean-Hugues Lime. Robinson Crusoe à rebours, fable sur la déliquescence humaine. Le roi de Clipperton n'est pas le capitaine, un temps, croyait l'être mais un matelot devenu ogre. Un reportage, un roman, un conte et un hymne discret à la gloire des femmes 

Philippe Dufay

 

 

Le Canard Enchaîné - 6 mars 2002

 

Français, qui ignorez encore l'existence de Clipperton, oyez la véridique et tragique histoire du capitaine mexicain Ramon Arnaud et de sa garnison, débarqué en 1910 sur cet îlot du pacifique pour veiller à l'exploitation du guano. Oubliés par leur pays natal pour cause de révolution zapatiste en 1911, ces quarante-cinq humains vécurent - femmes et enfants compris - l'aventure de Robinson Crusoé mais à l'envers : retour de la civilisation à l'état de nature !

Officier borné,  Ramon Arnaud joua au désert des Tartares, avec pour seul ennemi l'armée des crabes et des requins-marteaux. Marteaux, ils le devinrent à peu près tous, en particulier un dénommé Alvarez qui se proclama "Roi de Clipperton", doté d'un harem de femmes minées par le scorbut. Sept ans de folie !

L'histoire est fameuse au Mexique, elle l'est moins dans notre France, qui en 1931, grâce à une acrobatie diplomatique, arracha Clipperton au Mexique. Oui malgré  Ramon Arnaud, une terre française !

Dans ce roman historique haletant et fort bien écrit, Jean-Hugues Lime nous mène aux lisières de la civilisation, dans la douce compagnie des "maringouins, moustiques, mouches à dagues, chiques" sans oublier sarcoptes, poux d'agoutis, fourmis-manioc, araignées des cocotiers et autres scolopendres.

A l'ombre des drapeaux et au son du clairon, du guano tant qu'il en faut.

          Frédéric Pagès